Logement social : demande de mutation
Les faits
M. D a signé, en avril 2018, le bail du logement social qu’il occupe seul. Il s’agit d’un studio, de moins de 28 m2, dès lors soumis à permis de location.
Depuis, il a rencontré sa compagne et a eu avec elle un enfant qui vient de naître. Il souhaite donc très naturellement emménager avec sa compagne et sa fille, et introduire une demande de mutation pour obtenir un logement proportionné à la taille du nouveau ménage.
En 2019, il avait introduit, avant la naissance de sa fille, une demande de mutation, qui a été logiquement rejetée.
En effet, sa composition de ménage est inchangée, et il occupe donc un logement proportionné à la taille de son ménage. Il s’agit donc, suivant la réglementation, d’une mutation pour convenance personnelle. Or, la réglementation interdit d’introduire une demande de mutation pour convenances personnelles après une occupation du logement de moins de trois ans.
En outre, il occupe un studio de moins de 28 m2, soumis à permis de location. Ce permis de location ne permet l’occupation de ces logements que par une seule personne. En effet, l’occupation des logements de moins de 28 m2 par deux personnes ou plus est considérée comme du surpeuplement par l’arrêté du 30 août 2007 du Gouvernement wallon déterminant les critères minimaux de salubrité.
Dans ces conditions, M. D. n’ose pas domicilier l’ensemble de la famille dans le petit logement et introduire ensuite une demande de mutation. Il craint que dans pareil scénario, la SLSP résilie le contrat de bail.
L’intervention du Médiateur
M. D. saisit le Médiateur.
Dans une première lecture du droit, nous pourrions être tentés de conclure que M. D. devrait simplement choisir entre :
• accepter de vivre sans sa compagne et son enfant dans son logement social ;
• quitter son logement social pour s’installer on ne sait où avec sa famille.
Le Médiateur ne peut cependant se satisfaire de cette conclusion.
En effet, le Code du logement impose
à la Région et aux autres autorités publiques, de mettre en oeuvre « le droit à un logement décent en tant que lieu de vie, d'émancipation et d'épanouissement des individus et des familles ». Il est donc nécessaire de trouver une solution afin de sortir l’intéressé, et sa famille, de l’impasse.
Le Médiateur interpelle la SLSP. Il précise qu’il convient de scinder deux aspects de la question.
1. La possibilité pour l’intéressé de vivre dans son logement avec sa famille.
A ce stade, rien n’interdit à l’intéressé d’installer sa famille dans son logement. Il devra bien entendu demander la domiciliation de sa compagne et de sa fille auprès de la commune et en avertir la SLSP. En vertu de la loi sur les registres de la population, la commune est tenue de procéder à leur
inscription, éventuellement provisoire, si elle estime que la famille s’installe « dans un logement dont l’occupation permanente n’est pas autorisée pour des motifs de salubrité ».
Il faut noter également que ni la réglementation « permis de location », ni la réglementation relative au logement social ne confie aux SLSP de missions concernant le contrôle et le respect des critères de surpeuplement.
2. La possibilité pour l’intéressé d’obtenir un logement proportionné à la taille de son ménage.
Dans l’état, et à tout le moins jusqu’à ce que sa famille soit domiciliée avec lui, M. D. ne peut introduire de demande de mutation pour un logement de deux chambres.
Cependant, rien, au regard de la réglementation, ne lui interdit d’introduire une demande de logement social, concernant l’ensemble de sa famille (le fait qu’il ne puisse – provisoirement - produire de composition de ménage ne pourrait y faire obstacle : en effet, bon nombre de jeunes couples introduisent une demande de logement social alors qu’ils résident encore, l’un et l’autre, chez leurs parents respectifs).Cette demande n’aurait toutefois que peu de chance d’aboutir rapidement, de sorte que la famille resterait séparée de longs mois, voire plusieurs années. Cependant, dans ce dossier, une dérogation pour cohésion sociale pourrait être accordée.
Effectivement, le mécanisme de cohésion sociale a été imaginé, entre autres, pour assurer « le retissage des liens sociaux, intergénérationnels et interculturels ».
Sur cette base, sachant qu’on ne peut accepter le statu quo, qui priverait un enfant nouveau-né de son père, et inversement, un père de son enfant, le Médiateur demande à la SLSP de préciser quel type de solutions faudrait-il privilégier pour résoudre le problème.
L’issue de la médiation
La SLSP hésite sur la question. Elle demande un avis juridique à la SWL et conclut qu’il est effectivement possible d’accorder une mutation à la famille.
Cette heureuse solution intervient malheureusement trop tard : le jeune couple n’a pas résisté aux difficiles conditions de vie, les parents se sont séparés. L’enfant n’aura jamais vécu avec ses deux parents.
Photo d'illustration - ©daviddannevoye
Attention : chaque cas évoqué ne peut pas nécessairement être généralisé à d’autres situations. En effet, quand il traite une réclamation, le Médiateur examine la situation concrète et prend en compte les arguments invoqués et les pièces probantes apportées.